La Belgique à l’aube d’une nouvelle crise politique ?
Avec le décès de la Reine douairière Fabiola le 5 décembre dernier, la Belgique n’a sans doute pas perdu qu’une ancienne souveraine admirable. L’épouse du Roi Baudoin, décédé en 1993, était en effet l’un des derniers symboles vivants d’une époque où la Belgique était encore unie, au sein d’un État unitaire. Le tout récent gouvernement de Charles Michel illustre à lui seul toutes les tensions à l’œuvre au sein du pays.
Le 11 octobre dernier, le jeune francophone Charles Michel (38 ans), président du Mouvement Réformateur (parti libéral de centre-droit) prêtait serment devant le Roi Philippe avec l’ensemble de son gouvernement.
Ce gouvernement de coalition très large et inédite a immédiatement été taxé de « kamikaze ». Il est en effet composé de deux partis libéraux, d’un parti démocrate-chrétien flamand, et surtout du parti nationaliste flamand N-VA. C’est la première participation de ce parti nationaliste à un gouvernement fédéral. Le gouvernement Michel est qualifié de kamikaze dans la mesure où un seul parti francophone le compose : celui du Premier ministre. Charles Michel est d’ailleurs le premier francophone libéral chef d’un gouvernement depuis 1937 !
Mais les équilibres politiques au sein de cette coalition, et même dans l’ensemble du pays, illustrent de l’impossibilité à terme de fonctionnement d’une telle alliance.
Une alliance incohérente et fragile
Suite aux élections du 25 mai 2014, le parti N-VA est devenu le premier parti du pays en obtenant 34 sièges à la chambre des députés avec 20,3% des voix. Le chef de ce parti, Bart De Wever, avait d’ailleurs été le premier sollicité pour former un gouvernement en juin. C’est seulement suite à son échec que des personnalités plus consensuelles ont été approchées, le processus n’aboutissant, on l’a vu, qu’en octobre.
Selon un sondage RTBF de décembre 2014, seul un belge sur cinq a une opinion favorable du gouvernement Michel. Le score le plus bas est atteint dans la région wallonne : seulement 16% d’opinions positives. Ce score est sans aucun doute en partie dû à l’incohérence structurelle et même idéologique d’une coalition entre des partis modérés de centre-droit et un parti nationaliste dont les dirigeants n’hésitent parfois pas à prôner, à demi-mots, le séparatisme.
Une récente polémique risque de porter un coup sévère à la coalition gouvernementale. Ont en effet été révélées au grand public des photos du ministre de l’Intérieur et vice-premier ministre Jan Jambon, membre du N-VA, en compagnie de Jean-Marie Le Pen. Les sites ayant publiés ces clichés apportent également des preuves selon lesquelles M. Jambon aurait présidé un cercle de débat d’extrême-droite : le Vlaams-Nationale Debatclub. Interpellé à la chambre des députés, le Premier ministre a refusé de réagir à ce propos et maintenu sa confiance envers Jambon, trahissant ainsi son embarras. L’ensemble de l’opposition a alors quitté l’hémicycle. Selon le ministre-président de la région wallonne Paul Magnette, « Charles Michel est pieds et poings liés avec le N-VA ».
Dans une situation de crise sociale ouverte avec les syndicats, l’action du gouvernement semble bien vouée à l’impasse.